Handicap, citoyenneté et dignité
Février
2008
Que se
passe-t-il lorsqu'un handicapé français veut exercer son droit de vote ?
Tant qu'il a
un minimum de mobilité qui lui permette de se déplacer au bureau de vote qui est
le sien et que le dit bureau de vote est réellement accessible aux handicapés :
c'est un citoyen à part entière.
Certaines
municipalités font des efforts pour rendre accessibles des lieux de vote qui ne
le sont pas habituellement. Seulement l'accessibilité n'est pas quelque chose
qui s'improvise à la dernière minute, fusse avec la meilleure volonté du monde.
Des planches clouées entre elles puis posées sur des marches raides ne
constituent pas une rampe qui rende un lieu accessible à des fauteuils roulants
ou à des personnes incapables de gravir des marches.
Face à une
telle rampe, la personne handicapée n'a que deux solutions : soit s'en retourner
chez elle et ne pas pouvoir exercer son droit à voter, soit monter les marches
en question sur les fesses.
Est-t-il
normal de devoir abdiquer de sa dignité pour arriver à exercer son droit de vote
? Pourquoi faudrait-t-il qu'une personne handicapée monte des escaliers sur les
fesses pour pouvoir voter ? A-t-elle un autre choix pour exercer son droit de
vote et son devoir de citoyen, si un lieu ne lui est pas ou plus accessible ?
En l'état
actuel de la législation française, le seul autre choix qu'elle ait est de faire
une procuration de vote à une personne de confiance, habitant la même ville,
afin que celle-ci vote à sa place.
Où est la
dignité de la personne lorsqu'elle doit avoir recours à une tierce personne afin
de remplir son devoir de citoyen(e) ? Quid du secret du vote ?
Une personne
valide qui ne passe pas par l'isoloir ou qui ne referme pas le rideau derrière
elle se fera rappeler à l'ordre par les membres du bureau de vote, car le secret
du vote doit être absolu et incontestable. Ce droit est pourtant clairement
stipulé dans l'article 3 de notre Constitution, mais il ne vaut pas pour les
personnes handicapées obligées de voter par procuration si elles veulent
voter.
Où donc est
l'égalité dont se targue la devise de la France devant le droit de vote des
personnes handicapées ? Alors que, par ailleurs, il existe dans notre
législation un article de loi qui permet aux Français résidants à l'étranger et
ne pouvant se déplacer au bureau de vote français dans lequel ils sont inscrits
de voter par correspondance.
Un valide,
sous prétexte qu'il est empêché de se déplacer au bureau de vote, a le droit de
voter par correspondance. Mais une personne handicapée qui est empêchée de se
rendre à son bureau de vote du fait de son handicap ne possède pas ce
droit.
Égalité ?
Pourtant, la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen
commence par cette phrase :
Préambule Considérant que la reconnaissance de la dignité
inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix
dans le monde.
Trois
phrases plus loin dans ce même préambule on trouve :
Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé
à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et
la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des
femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à
instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus
grande.
Dans l'article 2.1 il est dit : 1. Chacun peut se
prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la
présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de
sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion,
d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre
situation.
Article 7 Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans
distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection
égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et
contre toute provocation à une telle
discrimination.
Article
21.3 La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs
publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent
avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou
suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.
Article
29 1. L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule
le libre et plein développement de sa personnalité est possible. 2.
Dans
l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est
soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la
reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de
satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être
général dans une société démocratique. 3. Ces droits et libertés ne
pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et aux principes des
Nations Unies.
Force est de
constater que le droit de vote des personnes handicapées en France ne peut
s'exercer ni librement, ni dans la dignité, ni dans le secret, comme tous les
textes l'exigent pourtant.
Cependant, le principe de base de toute démocratie est le droit pour
chaque citoyen de participer à l'élection de ses représentants politiques, de se
prononcer sur un texte législatif ou constitutionnel.
La France ne serait-elle pas une démocratie ? Ou les
personnes handicapées de France ne seraient-elles pas des citoyens à part
entière ?
Je le
pense donc je le dis !
Je le pense, donc je le crie !
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